Les apiculteurs algériens élèvent une abeille de couleur noire qu’on appelle communément « la Tellienne ». Comme son nom l’indique, son aire naturelle est le Tell. Dans les régions les plus mellifères, on peut obtenir des récoltes de miel très importantes. Elle a l’inconvénient d’essaimer beaucoup et d’être relativement très agressive.

Très peu d’apiculteurs connaissent par contre l’abeille du Sahara ou des Oasis. Elle serait un vestige de l’époque où le Sahara était fertile. Elle n’existe que dans une partie de l’Atlas saharien qui fait frontière entre le Maroc et l’Algérie

A l’occasion d’une mission effectuée sur le terrain, nous avons  localisé une dizaine de colonies sauvages logées dans les montagnes de Aïn Sefra, Béchar et Beni Ounif. Nous avons trouvé également quelques petites colonies de Sahariennes logées dans des ruches traditionnelles  et élevées par les apiculteurs locaux. Elle est facilement reconnaissable à sa couleur jaune oranger. Nous avons pu vérifier sa douceur et sa bonne tenue de cadre comparativement à la Tellienne qu’on ne pouvait pas approcher sans se protéger. 

Si les apiculteurs algériens ne connaissent pas cette abeille, c’est parce qu’elle est très rare. Les observations sur terrain nous ont permis de comprendre pourquoi cette abeille n’est pas très répandue. 

Il s’agit  en effet de facteurs qui freinent considérablement son développement comme :

1) le manque de ressources mellifères du à la sécheresse

2) le massacre des colonies par les chasseurs de miel

3) l’empoisonnement dus à la lutte anti-acridienne

4) l’hybridation avec une espèce invasive comme l’abeille du Tell,

5) l’introduction de maladies et de parasites apportés par l’abeille Tellienne

6) les prédateurs comme le guêpier d’Afrique.

 

 La mesure la plus urgente à tenir pour sauvegarder cette abeille consiste à la multiplier massivement. Pour cela, on utilisera une technique de multiplication très efficace. C’est l’essaimage artificiel avec introduction de reine fécondée.

 La mise en œuvre de ce projet se fera donc sur place. Nous escomptons qu’une période de plus de 5 ans est nécessaire pour aboutir à des résultats tangibles. Au terme de ce programme, nous projetons de multiplier par 6 au moins le nombre de colonies obtenues au début. Il faudrait 1000 colonies dans un rayon de 30km pour conclure que nous avons réhabilité cette abeille. Notre programme se poursuivra donc au-delà de ces trois années.

 Aucun travail similaire n’a été réalisé jusqu’à présent. Une partie de ce travail fera l’objet d’une Thèse de Doctorat d’Etat en Productions animales. Son originalité réside dans un programme de réhabilitation d’une race d’abeille en voie d’extinction. 

Ce programme de réhabilitation de l’abeille saharienne, permettra d’abord de préserver un patrimoine faunistique Saharien exceptionnel qui a mis des milliers d’années à s’adapter à son environnement hostile.

 Comme l’abeille participe à hauteur de 80% dans la pollinisation des plantes cultivées et sauvages, la multiplication des colonies d’abeilles dans cette région désertique aura atteint un double objectif : la préservation d’une faune saharienne et l’amélioration de la biodiversité du tapis végétal saharien.

 Au niveau économique, les retombées sont très importantes. Ce plan de réhabilitation permettra aux apiculteurs locaux d’acquérir des techniques modernes de multiplication de colonies. Ils disposeront ainsi de plus de colonies d’abeilles pour produire plus de miel. Etant donné le prix élevé du kilogramme de miel dans la région, une bonne production de miel leur permettra d’augmenter leur revenu annuel.

 La mise en place de ce projet permettra d’étudier cette abeille sur les aspects physiologiques, comportementaux, génétiques,  écologiques etc.…: en définitive cela constituera un champ d’études fondamentales qui sera ouvert à un grand nombre de disciplines scientifiques.

 

Dr Arezki Mohammedi